L'éternelle illusion de Faust
- MB
- 25 nov. 2014
- 5 min de lecture

Évidemment, Faust, pour amoureux qu'il soit, n'en n'a pas moins rompu le lien qu'il avait su nouer tout au long de sa vie accaparée par le désir de la connaissance, avec l'amour divin, ce but qu'il s'était fixé d'atteindre, mu par son désir de sagesse. Mais Méphistophélès, qui a plus d'un tour dans son sac, flattant son ego, faisant briller son aura, lui a redonné la fougue du désir de conquête. Et ses tempes grises se sont muées en une irrésistible beauté séductrice, ou le retour à son éternelle jeunesse ; cette époque glorieuse et chantante ou la belle s'oubliait éprise.
Le miroir, celui de son âme, lui renvoie alors, l'image de l'amour même dont succombe Marguerite.
Marguerite a les yeux bleus d'une indécente candeur. Des yeux bleus qui s'embrument quand le plaisir, à son comble, l'envahit. Marguerite l'innocente, révèle, aussi à elle-même, et c'est troublant, d'incroyables dispositions à la philosophie. Au cœur de la trépidation, incessante et fougueuse de leurs étreintes, Marguerite révèle des talents cachés, cachés à elle-même et qui semblent surgir sous les coups d'une verge créatrice. Une intuition fascinante vis à vis de l'objet d'autant plus qu'elle semblait tout ignorer de ce qu'il était. Une connaissance, semble t-il, innée des mystères de la nature s'exprimait malgré l'insolent étonnement manifesté alors qu'elle posait la main sur le tronc de l'arbre de la connaissance. Sa jolie main, par sa hardiesse, se blessait au contact rugueux du tronc puissant que seules savent approcher les âmes pures.
Marguerite se montre ensorcelée par la profusion d'amour que Faust, d'une incessante vigueur, lui prodigue, dévoué et auréolé d'une puissance qui l’enivre lui-même.
Faust est au zénith de sa gloire amoureuse et Marguerite prépare en douceur, le lit tendre et moelleux qui lui fera tout oublier, un lit chaud et nourricier ou viendra s'abreuver un petit ange blond, aux yeux bleus.
Le vent souffle maintenant paisiblement. Les yeux clos, Faust et Marguerite se bercent de leur langueur amoureuse et sont émus aux larmes par les sourires délicieux du petit ange blond aux yeux bleus. Les saisons s'achèvent les unes à la suite des autres même si parfois un été voudrait revenir au printemps afin d'humer les senteurs des sous bois sous les pluies d'avril. Le vent souffle maintenant doucement. A peine, à peine. Les corps, peut être fatigués, désirent le repos.
L'ange blond balbutie. L'amour est parti en goguette. Reviendra t-il ? Lui si prolifique, reviendra t-il abreuver les amants de miel et de lait ?
Les essais philosophiques de Faust se sont alourdis de poussière et d'oubli. Les rêves de Faust les font s'ouvrir, comme un espoir, mais dans la douleur. Et le manque, la déviance, l'oubli de ce qui faisait sens, tourne le rêve en cauchemar. Faust, créateur, vivant sa spiritualité comme une dynamique conduisant au but, reprend conscience de son égarement. Que voit-il ce matin devant lui ? Alors que la nuit fut encore saturée par ces cauchemars hantés par l'oubli de sa réalité, il a devant lui une ombre. Cette ombre a les traits de Marguerite ensevelie de souffrance, de haine, de peur. Cette ombre....est-ce sa propre ombre ? Marguerite n'est plus là. Morte ou disparue. Qu'est-elle devenue ? Il entend rugir dans son jardin une ombre haineuse qui insidieusement, méchamment lui rappellent les traits de la sublime Marguerite. Mais ces traits infidèles la vieillissent. Cette ombre mugit au cœur de son jardin. Le puits est tari. Jésus depuis longtemps, n'y rencontre plus la Samaritaine. L'arbre a laissé choir ses fruits pourris. Des herbes blessantes rampent au travers du sentier. Il fait froid maintenant. L'ombre est avachie devant la télévision. L'ange blond aux yeux bleus a choisi un autre jardin envahi de fleurs multicolores et enchanté par des myriades d'oiseaux messagers d'un ciel radieux.
Les reins brisés, Faust se hisse vers ses anciens écrits. Ses yeux se brouillent. Ses pensées sont en errance, mais dessinent un lendemain improbable tant sa vieillisse s'est réinstallées sur ses reins. Un livre, vieux livre d'une sagesse ancienne tombe de sa bibliothèque poussiéreuse. Le livre s'est ouvert sur la représentation d'une harpe celte. Les commentaires de l'auteur lui indiquent que cet instrument sacré entre tous, capable d'élever les âmes perdues, vers la sainteté de leur réalité profonde, a fait l'objet d'un acharnement méticuleux et inlassable afin de le soustraire aux désirs des poètes et musiciens de Dieu. La harpe celte est mystère et détient une connaissance cachée, témoin de temps anciens. Assez curieusement, la veille à la télévision, une jeune femme rousse, vêtue d'une longue robe verte, interpréta une douce mélodie d'inspiration celtique, en frottant de ses longs doigts déliés et d'une incroyable souplesse, une harpe, semble t-il assez proche de ce que furent les harpes celtes.
Faust se souvient, qu'aux temps de ses amours féroces et inassouvis, Marguerite avait manifesté un désintérêt étonnant pour ce noble instrument. Maintenant, l'ombre de Marguerite ne supporte plus d'entendre la harpe ; à plus forte raison si celle-ci serait celtique.
Aujourd'hui c'est le déluge. Il pleut sans cesse et de plus en plus fort. Un rideau de pluie. Faust s'endort. Les flots gonflent. La pluie frappe de plus en plus violemment toute âme qui vive. Les âmes infidèles sont frappées d'indignité et le déluge les emporte. Une pauvre barque supporte difficilement le poids de Faust endormi.
L'océan est immense, infini. Le monde ancien est effacé. La barque dérive vers le sommet d'une ancienne montagne, laissant aux égarés et peut être sauvés, l'espace d'un îlot encore protégé. Mais pour combien de temps ?
La fureur des cieux s'apaise et Faust se réveille. Il pose les pieds sur l'îlot. Mais rêve-t-il encore ? Est-ce la réalité ? Peut-être a-t-il perdu la vie d'ici bas sur terre. Il distingue au sommet ce qui semble être une vieille chapelle. Il s'en approche pour s'y réfugier. Il a froid. Il est nu. Les pieds écorchés, il se traîne péniblement sur un chemin fait de cailloux blancs qui martyrisent ses pieds ensanglantés. Il grelotte. La chapelle est devant lui mais les derniers mètres l'en séparant lui semblent interminables. Et puis, tout à coup transis, il entend la musique. Des sons profonds venus d'ailleurs, de l'infini, les sons d'une harpe le saisissent. Cette mélodie évoque l'espoir. Comme le goût d'un espoir retrouvé alors qu'il se croyait perdu pour de bon. Il pénètre dans cette très ancienne chapelle à moitié délabrée. Curieusement il y fait doux, très doux, un vague parfum d'encens, miraculeusement malgré le déluge, subsiste, l'enveloppe et le réconforte. Ce parfum lui rappelle ces moments, si lointain, ou tenant la main de Marguerite amoureuse, il allait, d'un pas paisible vers l'autel de la basilique, afin de s'abandonner à la prière aimante.
Au cœur de la chapelle, émergeant à peine de l'ombre, une belle jeune fille rousse, vêtue d'une splendide robe d'un vert éclatant, jouait, tout en délicatesse, un air mélodieux, un air mélodieux propre à saisir un cœur en vagabondage.
Faust nu, épuisé, s'agenouilla, et en larmes, se laissa enveloppé par la musique. Le son de la harpe le ramena à des temps si lointains dont il saisissa brusquement et terriblement la réalité éternelle. Cette musique, d'une suprême pureté, faisait éclore en lui la présence du Soi divin. Le Soi qui l'unissait, à cet instant, au nouveau monde. Les noces étaient glorifiées sous les mélodies langoureuses de la vieille harpe celte que caressait la splendide jeune fille rousse dont les yeux se trouvaient tout à coup, noyés de larmes. Faust, réincarnant son époque barde se redressa, nu, ruisselant d'émotion, entonnant le chant inconnu de lui même, mais su éternellement de son âme renaissante. Un chant martelé par le verbe ; et son cœur se fit logos dans l'absolue certitude qu'enfin, il avait trouvé l'âme sœur.
Alors qu'il chantait, elle jouait tendrement et ses mains couraient, volaient le long des cordes gémissantes. En harmonie, ils interprétaient une complainte que chacun peut connaître en lui-même, pour peu que le Soi divin s'instaure comme un but incontournable.
Et puis, le silence se fit. La terre trembla sous leurs pieds et ils fusionnèrent d'une étreinte éternelle.
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