top of page
Rechercher

Le bois flotté

  • MB
  • 24 mars 2015
  • 2 min de lecture

J'apercevais, là bas au travers des ondes de chaleur, un corps étendu au milieu du lit de la rivière asséchée. En m'approchant, je distinguais en fait le cadavre d'un grand poisson. Un cadavre amputé de sa tête, le ventre noir.

Le soleil déchirait les rives rousses d'une rivière disparue. L'ardent soleil avait entièrement bu ses eaux auparavant tumultueuses.

M'approchant encore, je pouvais constater qu'il ne s’agissait pas d'un poisson mais d'un grand morceau de bois blanchi. Une grosse branche sortie des eaux et blanchie par la conscience acharnée du soleil.

Je m'imaginais ce qu'avait été cet arbre ; un arbre vaillant au centre d'une prairie ondulante sous la main d'un vent coquin ; un arbre puissant à la vaste ramure abritant des étreintes amoureuses, désespérées de frénésie, abritant des déjeuners sur l'herbe, protégeant de son ombre rafraîchissante des conciliabules discrets mais décisifs en vue de fleurir l'avenir de désirs impossibles.

Cet arbre éternel, régnait depuis si longtemps qu'il nourrissait des légendes à la rumeur desquelles s'endormaient des petits enfants tout laiteux de tendresse. Les mamans fermaient les yeux d'un baiser rêveur et se rappelaient des moments savoureux sous l'arbre majestueux.

Aussi personne ne pouvait supposer d'un orage plus violent que ce que l'on avait pu connaître jusqu'à ce jour noir, aurait fendu l'arbre, l'aurait déchiré comme pour assurer une vengeance longtemps contenue. Une branche énorme avait été entraînée par les flots d'une inondation elle aussi exceptionnelle. Le fracas des cieux glorifiaient le renversement des choses établies et pensées comme éternelles.

Une rivière indolente accueillait volontiers la branche orpheline. Cette branche plongeait et replongeait dans le ventre de la rivière de temps à autres réveillée par la colère des cieux. La branche, jadis puissante, restait bloquée entre deux rochers au fond de la rivière. Puis l'improbable la libérait et le courant s'étendait avec le temps qui passe. Jusqu'à la venue de sa majesté le soleil dans ce pays perdu.

La chaleur, la terre crépite, l'ocre des flans de la rivière se dévoile. La grosse branche blanche s'étale au fond du lit découvert.

Le bois flotté blanc s'offre à la rêverie. Il est revenu du temps jadis. Il sème l’effroi au cœur de la conscience. Une conscience qui se croyait universelle. Une enfant brune aux yeux verts a traîné jusqu'à chez elle le bois flotté. Elle a peint l'extérieur d'un blanc immaculé, à la luminosité aveuglante ; et a peint d'or étoilé l'intérieur du bois flotté. L'intérieur est courbe comme la voûte céleste, illuminé de nombreuses étoiles. L'infini est au cœur du bois flotté et promet un voyage éternel.

L'infini du bois flotté est chanté par l'enfant brune aux yeux verts. La chanson du renversement quand advient ce qui doit advenir au sein d'une conscience appaisée.


 
 
 

Posts récents

Voir tout

Comments


A l'affiche

© 2023 by The Book Lover. Proudly created with Wix.com

  • Facebook B&W
  • Twitter B&W
  • Google+ B&W
bottom of page